La gauche, le centre ou la droite? Aucune de ces réponses!

Il est  clair que le débat « gauche – droite » prendra de plus en plus de place dans les prochaines années au Québec. C’est en tous cas la tendance que les observateurs constatent sur le terrain. Cependant, je pense  qu’il nous faut éviter d’entrer dans ce petit jeu où défendre son camp devient plus important que de se demander où se situe l’intérêt collectif.

Tout d’abord, je comprends les raisons historiques qui ont amené à la création de ces concepts de gauche et de droite. Je conçois très bien également qu’ils représentent, pour résumer grossièrement, une différence de système de valeurs. Il peut tout à fait être pertinent de classifier les idées politiques sur un axe gauche-droite. La problématique ne se situe pas là.

Par contre, dans nos sociétés occidentales, il ne s’agit plus aujourd’hui de classer des idées, mais les opposants à nos idées. La gauche et le droite ne sont plus tellement des systèmes de valeurs que des blocs monolithiques exclusifs auxquels il faudrait adhérer entièrement. Aujourd’hui, les idées semblent  pré-étiquettées comme de gauche ou de droite et c’est à partir de ce positionnement «prêt-à-porter» que l’on construit ses convictions. Dit autrement, ce ne sont plus les idées de gauche ou de droite qui font qu’un individu développe une plus grande sensibilité à l’une ou l’autre de ces familles politiques, mais plutôt l’inverse : «je pense ceci parce que je suis de gauche ou de droite».  Comme certains préfèrent une marque de vêtements sur une autre, on préfère être gauchiste ou de droite. On l’a bien vu pendant la crise étudiante : on devait impérativement être soit complètement pour les revendications étudiantes ou soit complètement contre. On est allé parfois jusqu’au ridicule dans la contradiction. Je me rappelle de plusieurs chroniqueurs dits de droite qui s’époumonaient avant la crise étudiante sur les gaspillages dans l’État affirmer au printemps 2012 sans sourciller qu’il n’y avait pas de problème dans la gestion des universités. Tout simplement parce que c’était maintenant des «gauchistes» qui pointaient du doigt une mauvaise gestion dans une partie de l’État québécois…

Le danger avec cette facon quasiment infantile de concevoir  la politique, c’est de produire une division sociétale souvent artificielle au lieu de favoriser un dialogue entre les acteurs de la société. « Je suis de gauche, et tout ce qui ressemble à la droite, je suis contre ». « Les gauchistes sont des tarés. » (phrase que quelqu’un m’a déjà  réellement dite). Impossibilité complète de se sortir de ses préférences politiques, de son carcan idéologique. Ce genre de dialogues de sourds et de braquages ne peut produire que du dogmatisme. Il nous faudrait toujours aller vers plus de pureté idéologique, être un «vrai progressiste» ou être de la «vraie» droite. Cela finir par produire des sous-chapelles aussi exclusives que les grandes «chapelles-mères» (gauche et droite). L’exemple du Tea Party dans le parti républicain aux États-Unis est frappant. On est devant ici un cercle vicieux : plus on se sépare en « camps », plus on s’antagonise, plus lesdits camps s’éloignent en adhérant à des dogmes rigides. Ils finissent même par menacer de paralysie la société tout entière. À ce propos, un exemple est très révélateur, celui du Congrès américain. Les deux dernières sessions du Congrès  ont été les moins productives de l’histoire moderne du pays : en effet, la session de 2011-2013 n’a vu que 23 lois adoptés et la session en cours n’a pu produire jusqu’à maintenant que 15 lois. La dette publique US continue de monter en flèche, les américains n’ont toujours pas un système de santé juste et performant, le système d’éducation public se dégrade, etc.

Bien sûr, je suis conscient que le dogmatisme n’est pas un phénomène récent. Les idéologies rigides ont causé, comme on le sait, beaucoup de dommages pendant le XXè siècle. Cependant, particulièrement pendant les Trente Glorieuses, les démocraties occidentales (et certaines autres) ont connu une époque de grande croissance qui était basée entre autres sur un compromis entre marché et «État-providence». Il me semble que nous sommes en train de perdre progressivement cet esprit de consensus social qui a permis la mise en place de cette voie mitoyenne qu’est la social-démocratie. Évidemment, cette dernière a son lot de défauts, mais au moins elle permet aux citoyens d’un État de discuter sereinement et puis de se doter d’un projet collectif, sans verser dans l’extrême ou la rigidité des idéologies.

Donc, Julien, tu proposes le centrisme? Non, pas davantage.

C’est une erreur de ne voir dans le centrisme qu’un « entre-deux». Le centre est en fait une position politique en soit, comme la droite ou la gauche le sont. Les centristes ont la même fâcheuse tendance à exclure des idées parce qu’elles sont « trop à gauche » ou « trop à droite », alors qu’une mesure considérée comme à gauche pourrait bien constituer une solution à un problème. Prendre position au centre et ne pas en démordre peut produire le même dogmatisme que de se positionner ailleurs sur l’axe.

Cependant, une question se pose : est-ce vraiment possible de concilier toutes ces tendances? Oui. Sans contenter tout le monde, il est possible d’arriver à des projets ambitieux, mais qui n’appartiendraient pas à un camp ou un autre. Je vous donne ici deux exemples.

Notre système de santé est malade. Il est peu efficace et encore moins humain. Des solutions ont été proposées à gauche comme à droite. Et si on faisait un peu des deux? On pourrait par exemple mettre en place Pharma-Québec pour diminuer le coût de nos médicaments et ainsi réinvestir ailleurs, mais autoriser le privé à faire des chirurgies dans nos hôpitaux (considérant que les salles d’opération ne seraient utilisées qu’à 50% de leur capacité. selon l’IEDM), tant que le principe d’universalité des soins est respecté.

On a beaucoup parlé de la gratuité scolaire au cours des dernières années. On a dit que cela créerait des étudiants éternels. Cependant, il existe la possibilité de mettre en place des conditions à cette gratuité. Je me rappellerai toujours d’une entrevue que Jean-Martin Aussant avait donnée après l’élection de 2012 à Radio-X Québec. JMA avait répondu à Éric Duhaime sur ces possibles « étudiants éternels » que la gratuité qu’il préconsait venait avec des conditions et des balises pour empêcher quelqu’un d’abuser du système. Après quelques échanges,  Duhaime n’était plus nécessairement contre la gratuité scolaire. S’il est possible de convaincre Éric Duhaime de la faisabilité de l’élimination des frais de scolarité, tout est possible.

J’aimerais beaucoup voir un peu moins de ces positionnements prêts-à-porter et plus d’idées intéressantes et sorties de ce carcan de la polarisation. Un projet de société qui comprend des éléments de gauche et de droite, je crois que c’est possible. Je ne me fais pas d’illusion cependant : la tendance n’est clairement pas à un rapprochement entre les différentes familles politiques, bien au contraire et ce au Québec comme ailleurs.

Oh, pour terminer, dansons!

 

[Hors-série]Nous prendre pour des imbéciles…

 

Sur «l’affaire Bolduc»…

Franchement, les libéraux nous prennent vraiment pour des imbéciles.

Si on critique le ministre de l’Éducation, c’est qu’on est nécessairement jaloux. Il travaille fort, c’est tout!

Si on prend sa version pour «argent comptant», il travaille en effet très fort!

Bolduc aurait pris en charge 1500 patients, ce qui constitue plus que le double de la moyenne des médecins de famille (700 patients par médecin en 2012), moyenne qui demanderait environ 50 heures de travail par semaine. Donc estimons à 100 heures par semaine le fait d’avoir 1500 patients. Ajoutons à cela le travail de député et de critique de l’opposition officielle pour le dossier de la santé, qui demanderait environ 80 heures par semaine, selon les estimations que j’ai pu voir.

À moins que Bolduc soit réellement un bourreau de travail à la puissance 10 et qu’il aurait été prêt à travailler 180 heures par semaine (transport non compris), on peut, je crois, raisonnablement douter de sa capacité à effectuer les deux jobs en même temps.

Oh, et en passant, petit rappel, il y a 168 heures dans une semaine.

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